Un petit retour en arrière. Un résultat scientifique mentalement souligné il y a plus d’un mois, sans prendre le temps de rédiger l’article correspondant. Kay Tye, Praneeth Namburi et Anna Beyeler, chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT), ont mis en évidence les circuits associant les souvenirs positifs et négatifs dans le cerveau de souris (Nature, 29 avril 2015).
Les méthodes d’imagerie cérébrale ont permis de déterminer les régions du cerveau associées aux émotions, positives comme négatives. Il s’agit en particulier de la toute petite zone dénommée amygdale basolatérale, dont on sait qu’elle joue un rôle majeur dans l’apprentissage des expériences positives (plaisir) ou négatives (peur). Comment distinguer les deux? C’est l’utilisation de traceurs fluorescents marquant spécifiquement certaines populations de neurones (suivis ensuite par microscopie) qui a permis de répondre au moins partiellement à cette question (en plus de fournir de très belles images colorées). Il semble que l’amygdale basolatérale présente deux populations distinctes de neurones, l’une d’entre elle se projetant (étant en lien) sur le noyau accumbens et l’autre au niveau de l’amygdale centromédiale. Le noyau accumbens est connu pour être impliqué dans les phénomènes addictifs (c’est un élément central du circuit de la récompense), alors que la zone de l’amygdale centromédiale est un des centres de la peur.
Ce qui est intéressant ici c’est que, chez la souris, ces populations de neurones engagent des changements symétriquement opposés, selon que l’expérience vécue est positive, source de plaisir (une récompense) ou négative, source de stress et de peur (une punition).
Ainsi, les connexions vers le centre de la récompense diminuent après un apprentissage négatif (peur d’un choc électrique) et augmentent après un apprentissage positif (plaisir de consommer du sucre). En revanche, et réciproquement, la liaison vers les centres de la peur est renforcée par un apprentissage négatif et affaiblie par un apprentissage positif. Il semble donc que ces expériences soient interdépendantes. Pour aller plus loin, les chercheurs ont stimulé (par des techniques associant la génétique et la stimulation lumineuse – que l’on dénomme l’optogénétique) l’une ou l’autre de ces zones (noyau accumbens, Nac, ou amygdale centromédiale, CeM) : la photostimulation des projections du NAc induit un renforcement positif alors que la photostimulation des projections du CeM induit un renforcement négatif. Leur inhibition empêche le conditionnement de peur et potentialise le conditionnement par la récompense.
La boucle est bouclée : ces résultats proposent un mécanisme, mis en place dans des circuits nerveux anatomiquement entrelacés, qui pourrait expliquer comment des expériences positives ou négatives peuvent s’influencer mutuellement.
http://www.nature.com/nature/journal/v520/n7549/full/nature14366.html
http://neurosciencenews.com/fear-reward-learning-neural-circuitry-2010/