Pour reprendre l’actualité au rebond après le calme estival, voici quelques mots sur un article publié cet été dans la revue Science par des neurobiologistes de l’université de Cardiff. Ils se sont intéressés, chez la souris, au dysfonctionnement du gène, DISC1 (« disrupted in schizophrenia1 »), et ont montré que, observé dans une fenêtre de temps circonscrite peu de temps après la naissance, il affecte le fonctionnement futur du cerveau en modifiant durablement la plasticité synaptique.
La plasticité synaptique est une caractéristique neuronale essentielle au fonctionnement du cerveau. Les synapses sont les connections entre neurones, lieux d’échanges et de circulation d’informations. Plus le nombre de synapses partagées par deux neurones est grand et plus elles sont fortes, plus l’information circule facilement de l’un à l’autre. Ainsi, le nombre, la nature et l’efficacité des synapses entre les neurones du cerveau permettent de construire un réseau dont la géométrie détermine le fonctionnement cérébral. Ce réseau évolue au cours de la vie. De nouvelles synapses apparaissent, disparaissent, et la force et l’efficacité des synapses existantes changent. C’est ce que l’on appelle la plasticité synaptique. Elle est à la source de l’évolution du cerveau au cours de la vie et fonde les mécanismes d’apprentissage et de mémorisation. Elle permet aussi d’expliquer comment le développement du cortex cérébral obéit à l’influence de l’environnement, en particulier durant des phases du développement post-natal que l’on nomme les périodes critiques, pendant lesquelles une perturbation peut induire la production de neurones inopérants. C’est par le mécanisme de plasticité synaptique que l’expérience de l’environnement sensoriel affecte le développement du cortex. Les auteurs de l’étude publiée cet été ont mis en évidence, chez la souris, une fenêtre de temps au cours du développement pendant laquelle la plasticité elle-même peut être affectée.
Ils se sont intéressés au gène DISC1. Une mutation de ce gène est un facteur de risque pour certaines maladies psychiatriques (la schizophrénie, la dépression clinique et les troubles bipolaires). Pour que les synapses s’établissent de façon harmonieuse, la protéine produite par le gène DISC1 doit pouvoir s’associer avec deux autres molécules, Lis et Nudel. Les auteurs ont montré que chez la souris, bloquer la liaison de DISC1 et de Lis et Nudel dans une phase précoce du développement entraîne, à l’âge adulte, une déficience de la plasticité synaptique : les neurones corticaux ne sont plus capables de former de nouvelles synapses et/ou de renforcer les synapses existantes. Ce phénomène n’est pas reproduit lorsque l’expérience est réalisée sur un cerveau mature. L’effet n’est visible que pendant une fenêtre de sept jours, tôt au cours du développement (une semaine après la naissance), au cours de laquelle le blocage de liaison de DISC1 atteint de façon irréversible la plasticité synaptique plus tard au cours de la vie adulte.
Ces mécanismes pourraient être à l’origine des déficits cognitifs associés avec les mutations de DISC1 et expliquer l’apparition tardive de certains symptômes psychiatriques à la fin de l’adolescence. Pour les auteurs, « DISC1 est le gène pierre de Rosette de la schizophrénie. Il pourrait détenir la clé qui nous permettra de décrypter les rôles respectifs de tous les gènes impliqués dans la maladie ».
S. D. Greenhill, K. Juczewski, A. M. de Haan, G. Seaton, K. Fox, N. R. Hardingham. Adult cortical plasticity depends on an early postnatal critical period. Science, 24 Juillet 2015.
http://www.sciencemag.org/content/349/6246/424
http://www.eurekalert.org/pub_releases/2015-07/cu-sis072315.php
http://www.sciencedaily.com/releases/2015/07/150723181234.htm