Une fois n’est pas coutume, je vous propose une petite note un peu technique, et quelques mots d’un article publié dans la revue Nature Communications, le 15 septembre 2015. Il décrit l’utilisation des ultrasons (les mêmes qui sont utilisés en médecine lors des échographies) pour activer très précisément, in situ, un neurone donné, technique baptisée ici de « sonogénétique ».
Cette prouesse a été réalisée chez le ver nématode Caenorhabditis elegans (ou C. elegans). Ce petit ver, discret dans la nature (atteignant 1 mm seulement, il vit dans le sol parmi les végétaux en voie de décomposition), est devenu incontournable dans les laboratoires de biologie. Son génome et son anatomie sont très simples et parfaitement connus, au nombre de neurones (302) près. En outre, il est transparent, ce qui facilite l’étude de son développement. Enfin, il présente des comportements complexes, lui permettant de répondre aux contraintes environnementales. Il est ainsi devenu un modèle de choix, en génétique, en immunologie et … en neuroscience. On a pu construire le plan de toutes les connexions existant entre ses 302 neurones (environ 7000 synapses formant un réseau très reproductible d’un individu à l’autre, le « connectome », voir l’image d’illustration). Ces données établies, il peut être très intéressant de modifier spécifiquement l’activité d’un (et seulement un) neurone et d’évaluer ensuite les conséquences de cette perturbation sur le comportement du ver.
Un des outils récemment développés pour activer ou inactiver spécifiquement une cellule nerveuse est l’optogénétique : les neurones sont génétiquement modifiés de manière à être sensibles à la lumière. Mais la lumière circule difficilement à l’intérieur des tissus, ce qui en limite les applications. Les auteurs de ces travaux ont donc remplacé la lumière par les ultrasons, qui pénètrent à l’intérieur du corps beaucoup plus facilement et de façon beaucoup plus propre (la lumière tendant elle à diffuser latéralement). Ils ont pour cela utilisé les propriétés d’un canal transmembranaire, TRP-4, sensible aux ultrasons. Lorsqu’il est exprimé dans un neurone (par génie génétique), il induit son activation conditionnée par stimulation ultrasonore. Les auteurs ont ainsi pu observer les conséquences comportementales de l’activation spécifique et parfaitement contrôlable d’un des 302 neurones du connectome de C. elegans.
Cette méthode pourrait-elle être appliquée sur le cerveau humain? Peut-être… les ultrasons pénétrant, sans être invasifs, suffisamment profondément dans les tissus. Encore faudra-t-il exprimer le canal TRP-4 dans la cellule visée et permettre l’amplification du signal ultrasonore. Les chercheurs ont utilisé, pour ce faire, des microbulles chez C. elegans. Cette technique n’est pas applicable, encore, sans dommage chez les mammifères. Mais les perspectives ouvertes, y compris thérapeutiques, sont immenses.
S. Ibsen et al., “Sonogenetics is a non-invasive approach to activating neurons in Caenorhabditis elegans,” Nature Communications, 6:8264, 2015.
http://www.nature.com/ncomms/2015/150915/ncomms9264/full/ncomms9264.html
http://www.salk.edu/news/pressrelease_details.php?press_id=2110
http://www.the-scientist.com/?articles.view/articleNo/43993/title/Stimulating-Neurons-with-Sound/
Ce ver est beau comme un tableau abstrait… Tes articles sont clairs puisque je les lis d’une traite et arrive à les comprendre…. Bises > Message du 24/09/15 16:16 > De : « Ricochets » > A : rogerhellenis@orange.fr > Copie à : > Objet : [New post] 375 > >WordPress.com
mariephilippine posted: » Une fois n’est pas coutume, je vous propose une petite note un peu technique, et quelques mots d’un article publié dans la revue Nature Communications, le 15 septembre 2015. Il décrit l’utilisation des ultrasons (les mêmes qui sont utilisés en médecine «
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