La vie n’est qu’une ombre qui passe… J’aime beaucoup cet extrait de Macbeth. Et je ne me prive pas de le copier ici, même s’il peut sembler bien éloigné du sujet de ce billet consacré aujourd’hui à un nouvel arbre de la vie, publié par des chercheurs de l’université de Berkeley en Californie. Après tout, cet arbre fait la part belle aux organismes de l’ombre, de ces microbes invisibles, qui se dérobent à nos yeux, pullulent dans les milieux les plus inhospitaliers et se refusent encore à être cultivés en laboratoire. Un arbre sorti de l’ombre…
« La vie n’est qu’une ombre qui passe, un pauvre acteur qui se pavane et s’agite durant son heure sur la scène et qu’ensuite on n’entend plus. C’est une histoire dite par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien ».
Life’s but a walking shadow, a poor player
That struts and frets his hour upon the stage,
And then is heard no more. It is a tale
Told by an idiot, full of sound and fury,
Signifying nothing
William Shakespeare, Macbeth
Je vous ai présenté l’histoire de l’arbre phylogénétique dans un précédent billet, S’il vous plaît… dessine-moi un arbre. Et il a en effet, beaucoup changé depuis que Darwin en a tracé les premières lignes en 1837. C’est sa toute dernière version que nous présente l’article publié en mars par l’équipe de Jillian Banfield : la plus récente image de la diversité du vivant.
Ce nouvel arbre dénote dès le premier coup d’œil, par sa forme irrégulière et la croissance disproportionnée du rameau bactérien. Cette particularité est conséquence des dernières avancées techniques qui se sont affranchies de la nécessité de mettre en culture les bactéries pour pouvoir en étudier les génomes. Ainsi, les gènes de celles qui se refusent à la mise en culture (nombreuses) sont devenus accessibles à l’analyse. Ces microorganismes un peu indociles sont ainsi sortis de l’ombre… et leur remarquable diversité par la même mise en lumière.
Pour construire cet arbre, les auteurs ont ainsi collecté 1 011 génomes non publiés jusqu’alors, dans des environnements aussi variés qu’une prairie, un geyser et même les cavités buccales de deux dauphins! Il les ont associés à d’autres génomes connus pour atteindre un ensemble de 3 083 organismes et balayer l’ensemble du monde vivant. C’est la séquence des gènes qui codent pour 16 protéines constitutives des ribosomes qui a servi de base à la comparaison nécessaire au positionnement des branches de l’arbre.
Cette nouvelle image du vivant montre combien les eukaryotes, dont nous sommes et qui, parce qu’ils comprennent parmi leurs membres les organismes pluricellulaires de grande taille, sont les plus visibles à la surface terrestre, contribuent en fait très peu à la biodiversité générale.
La majorité, minuscule, pourtant présente partout, dans les environnements les plus hostiles, comme les plus simples, continue de se soustraire à nos analyses. Nul doute que cet arbre va changer encore…
A new view of the tree of life. Laura A. Hug et al. Nature Microbiology (2016) DOI: 10.1038/nmicrobiol.2016.48
http://www.nature.com/articles/nmicrobiol201648
Illustrations
Sue Bryan (Ir.-Am.), The brimming of the trees, charcoal & carbon on arches mounted on wood, 12 x 16 in’, 2015
Pingback: Des guerres micro-cholines | Ricochets