Où il ne sera pas ici question de recette de cuisine mais de Staphylococcus aureus… une nouvelle fois. Il a fait l’objet du billet Des guerres micro-cholines et de son adaptation en vidéo, Atchoum!. L’actualité scientifique la place de nouveau au centre d’une bataille. Cette fois, son adversaire est une plante : le faux-poivrier ou poivre rose (Schinus terebinthifolia Raddi ou S. terebinthifolius, de la famille des Anacardiaceae). L’ethnobotaniste Cassandra Quave et son équipe de la faculté de médecine (département de dermatologie) à Atlanta ont en effet récemment montré que les baies de ce petit arbuste buissonnant originaire d’Amérique du Sud (Brésil, Paraguay et Argentine) et considéré comme une mauvaise herbe, invasive dans le sud des États-Unis (en particulier en Floride), produisent des substances permettant de lutter contre les Staphylococcus aureus, particulièrement contre les souches résistantes à la méticilline (SARM).
C’est l’étude des médecines traditionnelles qui a mis en lumière Schinus terebinthifolia. En effet, cette plante fait partie de la pharmacopée traditionnelle brésilienne où elle a été utilisée pour ses propriétés antiseptiques et anti-inflammatoires, permettant le traitement des blessures, des ulcères, ainsi que les infections urinaires et respiratoires. Les soigneurs traditionnels ont utilisé cette plante depuis des centaines d’années pour traiter les infections de la peau. En effet, les extraits d’écorces de l’arbuste possèdent des propriétés antibactériennes contre divers pathogènes, S. aureus, Pseudomonas aeruginosa, et divers espèces d’Aspergillus.
Cassandra Quave et son équipe ont donc étudié plus finement les propriétés de cette plante, et testé l’éventualité d’une capacité à diminuer la virulence de la bactérie Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SRAM). Ils ont purifié différentes molécules présentes dans les baies de la plante et ont évalué de façon systématique leur activité, de manière à découvrir le mécanisme par lequel la plante permet de lutter contre les pathogènes.
Ils ont ainsi isolé une série de composés actifs (principalement des flavonoïdes), capables d’inhiber la formation de lésions de la peau sur des souris infectées par Staphylococcus aureus (SARM). Ces composés agissent en perturbant un des systèmes de virulence de S. aureus, le système agr, ceci sans tuer les bactéries SARM ou sans inhiber leur croissance. Ces substances ne sont donc pas des antibiotiques. Le système agr est responsable des premières étapes de l’infection des cellules hôtes, en contrôlant le système cellulaire appelé « quorum sensing », principal mécanisme de régulation de la pathogénicité. Ce système de régulation contrôle en effet de façon coordonnée (en permettant aux bactéries de communiquer entre elles) les principaux comportements responsables de la virulence : la sécrétion de toxines (causant des dommages des tissus hôtes) et l’échappement du système immunitaire. Inhiber le système agr permet ainsi de réduire la virulence de Staphylococcus aureus, de limiter la sévérité des infections et de potentialiser l’efficacité des antibiotiques… ce qui explique les propriétés anti-infectieuses du poivre rose.
Les souches résistantes à la méticilline sont des pathogènes responsables d’une morbidité et mortalité particulièrement élevées du fait de leur grande virulence et de leur résistance aux traitements antibiotiques. Cette découverte offre donc de nouvelles perspectives thérapeutiques importantes.
Et pour revenir à la botanique, citons l’auteur de cette étude qui remarque que « le poivre rose n’est pas une plante rare et exotique trouvée dans quelque montagne reculée. C’est une simple mauvaise herbe, un fléau pour beaucoup de propriétaires de terrains en Floride. » « Ce qui n’est pas absurde d’un point de vue écologique. Il est en effet assez raisonnable de penser que ces mauvaises herbes puissent avoir une chimie intéressante leur donnant un avantage et une protection contre les maladies et leur permettant ainsi de s’établir plus facilement dans un nouvel environnement ».
Ne méprisons pas trop les mauvaises herbes, si coriaces et envahissantes. Nous avons encore beaucoup à apprendre d’elles. Et, si les antibiotiques se trouvent parfois au bout de notre nez ( Des guerres micro-cholines ), leurs meilleurs alliés ne se nichent peut-être pas plus loin qu’au bout du jardin.
Référence
Virulence Inhibitors from Brazilian Peppertree Block Quorum Sensing and Abate Dermonecrosis in Skin Infection Models, Amelia Muhs et al., Scientific Reports 7, 10 février, 2017.
http://www.nature.com/articles/srep42275?WT.mc_id=FBK_SREP_1702_BRAZPEPPERTREE_OA
Une des plus anciennes mentions écrites faisant état de l’utilisation de S. terebinthifolia, datée de 1648, par le naturaliste hollandais, Willem Piso, dans son ouvrage Historia Naturalis Brasiliae :