En sus d’attirer les insectes et d’inspirer les amateurs de plantes exotiques (… et les écrivains), les formes, parfois si évocatrices, des fleurs d’orchidées offrent un fertile sujet d’étude aux biologistes modernes. Quels sont les mécanismes contrôlant la symétrie particulière de ces fleurs?
Un article récent (Nature Plants, 27 avril 2015), fruit du travail d’une équipe de chercheurs taïawanais, apporte un début de réponse à cette question. Ils se sont intéressés au développement du pétale inférieur de la corolle, le labelle, dont la forme invite les insectes à la visite. Ils ont ainsi identifié les protéines en jeu. Deux complexes protéiques (L pour lip, (labelle en anglais) et SP pour sepal/petal) détermine son devenir : si SP est majoritairement présent, alors le pétale aura une forme classique, en revanche, si L domine, il prendra la forme plus allongée du labelle. Les auteurs ont observé cette corrélation entre le niveau d’expression de SP et L et la forme des pétales chez des variants naturels (variétés, mutants), mais aussi en modifiant artificiellement en laboratoire, l’expression de L chez des orchidées (Oncidium et Phalaenopsis). Son absence transforme le labelle en simple pétale.
Ce type de contrôle n’était cependant pas inconnu des biologistes. En effet, le modèle de développement morphogénétique, dans lequel la nature des protéines occupant un territoire donné (et donc la nature des gènes dont l’expression permet la présence de ces protéines) détermine la forme et le devenir du territoire, a été décrit, chez les plantes, sous le terme de modèle ABC. Les maintenant nombreuses protéines impliquées appartiennent à la famille des protéines MADs. Elles partagent des structures communes (les boîtes MAD), des homologies de séquences et de fonction (elles fixent l’ADN et sont le plus souvent des facteurs de transcription). Présentes de façon ubiquitaires chez les eucaryotes, elles y assurent des fonctions de contrôle génétique variées. Chez les plantes, elles sont spécifiquement impliquées dans le contrôle du développement, et plus particulièrement celui des fleurs, assurant ainsi leur immense diversité morphogénétique. L’histoire évolutive des membres de cette famille génétique est ainsi source de diversification importante : la comprendre c’est donc aussi comprendre l’origine de l’immense (et si agréable) variété des plantes à fleur.
Dans le cas des orchidées, les gènes permettant l’expression des protéines des complexes L et SP sont issus d’un ancêtre commun, par duplication. Elles ont ensuite divergé pour acquérir de nouvelles fonctions, antagonistes. De cette guerre entre frères devenus ennemis, naît la diversité des formes de pétales d’orchidées. C’est aussi le reflet d’une autre compétition, sur un autre terrain : celle qui se joue entre les différentes espèces d’orchidées pour attirer les insectes indispensables à leur pollinisation et leur reproduction. Toutes les armes sont bonnes pour se distinguer : parfums, couleurs… mais aussi formes et symétrie.
Faire cattleya… une histoire d’amour, de guerre… Proust avait raison…
https://www.sciencenews.org/blog/wild-things/protein-battle-underlies-beauty-orchids
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