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Le cancer, L’empereur de toutes les maladies, tel que l’introduit le cancérologue Siddhartha Mukherjee dans une longue biographie de la maladie, côtoie l’histoire de l’humanité depuis plus de 4 000 ans au moins. On en trouve les premières traces écrites dans un manuscrit âgé de plus de 2500 ans avant notre ère, un papyrus rédigé par le grand médecin égyptien Imhotep, dans lequel il décrit des « masses saillantes dans le sein ». Le reste est la chronique d’une longue lutte, qui occupe encore nombre de médecins et chercheurs aujourd’hui.
Mais ce n’est pas seulement une maladie humaine. Nombreux sont les animaux qui en souffrent, proches de nous (mammifères), et pas uniquement. L’étude de ces modèles animaux participe à la compréhension de cette affection si complexe.
Un récent article, publié à la fin du mois de juin dans Nature, présente un cas de cancer transmissible observé chez des mollusques bivalves (les moules, les coques, ..).

La plupart des cancers naissent d’un changement (appelé oncogénique, pour « générateur de tumeur ») dans le génome de cellules du corps (cellules somatiques). Cette modification perturbe l’équilibre des divisions cellulaires (voir l’article Le maître à danser). Les cellules prolifèrent et peuvent migrer dans l’organisme (par métastases) tout en restant toutefois à l’intérieur d’un même individu.
Cependant, il existe des cas, certes rares, de cancer contagieux, transmissibles d’un individu à un autre. Jusqu’à présent, seuls deux exemples étaient documentés, le plus connu étant celui du diable de Tasmanie (Sarcopbilus harrisii), petit marsupial carnivore, vivant sur l’île éponyme. Depuis une vingtaine d’années, il est touché par un cancer qui se répand dans toute sa population, menaçant cette espèce d’extinction. Les cellules cancéreuses elles-mêmes sont transmises d’un individu à un autre, à la manière des agents infectieux. La tumeur vénérienne transmissible du chien constitue le deuxième exemple de cancer contagieux. Il se propage chez les chiens par transfert de cellules cancéreuses au cours des accouplements. Cette forme de cancer serait apparue il y a environ 11 000 ans, à partir des cellules d’un seul chien et aurait survécu de façon exceptionnelle après la mort de cet individu, en le transmettant à ses congénères. Il existe encore actuellement, dans les populations de chiens à travers le monde (et constitue donc la plus vieille et la plus prolifique de toutes les lignées de cellules tumorales).

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L’article dont il est question aujourd’hui fait mention de néoplasies disséminées (développement anormal de cellules en prolifération) chez les moules (Mytilus trossulus), les coques (Cerastoderma edule), et les palourdes (Polititapes aureus). Les auteurs de cette étude ont montré que, chez ces trois espèces, elles sont associées à des lignées de cellules cancéreuses transmissibles (indépendantes les unes des autres, donc issues d’événements oncogéniques différents). Chez les moules et les coques, les cellules cancéreuses sont issues d’une cellule appartenant à la même espèce. Cependant, de façon tout à fait inattendue, les cellules cancéreuses de Polititapes aureus dérivent toutes de cellules issues de Venerupis corrugata, une espèce différente de mollusques vivant dans la même zone géographique. C’est le premier exemple de transmission de cellules cancéreuses inter-espèces. Il semblerait que les cellules malades puissent se transmettre relativement facilement en milieu marin (par simple transfert dans l’eau de cellules d’un individu à un autre).

Le cancer n’est pas une maladie, il en est des centaines, toutes différentes, chez l’homme mais aussi chez d’autres espèces. Mais c’est bien par la multiplication de ses recherches que nous apprendrons à le connaître, pour mieux le combattre.

Références

Widespread transmission of independent cancer lineages within multiple bivalve species. Michael J. Metzger et al. Nature, June 22, 2016.

http://www.nature.com/nature/journal/vaop/ncurrent/full/nature18599.html

http://www.sciencemag.org/news/2016/06/contagious-cancer-found-clams-and-mussels

 

Sur les tumeurs chez les invertébrés

http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4393529/

http://science.sciencemag.org/content/348/6231/170.long

Sur les cancers transmissibles (chien et diables de Tasmanie)

http://www.nature.com/onc/journal/v27/n2s/full/onc2009350a.html

Clonally transmissible cancers in dogs and Tasmanian devils. E P Murchison, Oncogene, 2010.

https://www.cam.ac.uk/research/news/a-shaggy-dog-story-the-contagious-cancer-that-conquered-the-world

Elizabeth Murchison

http://www.tcg.vet.cam.ac.uk/ 

Images

Diable de Tasmanie

Cockles and mussels

 

Les Animaux malades de la peste

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom)
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n’en voyait point d’occupés
A chercher le soutien d’une mourante vie ;
Nul mets n’excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n’épiaient
La douce et l’innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d’amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L’état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J’ai dévoré force moutons.
Que m’avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m’est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s’il le faut ; mais je pense
Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
– Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Eh bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d’honneur.
Et quant au Berger l’on peut dire
Qu’il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d’applaudir.
On n’osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l’Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L’Ane vint à son tour et dit : J’ai souvenance
Qu’en un pré de Moines passant,
La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu’il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l’herbe d’autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n’était capable
D’expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Jean de LA FONTAINE

2 réflexions sur “Les animaux malades du cancer

  1. Pingback: Les dinosaures malades… aussi | Ricochets

  2. Pingback: Comme un beau diable… | Ricochets

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