L’abeille, la mouche et la fleur… cela pourrait être le titre d’une fable. Dernier volet d’une trilogie sur les abeilles, inspirée par les hasards de l’actualité scientifique. Mais de l’abeille il ne sera vraiment question que de l’odeur ici.
Une note rapide, donc, pour vous présenter les résultats obtenus par des chercheurs de l’université de Salzburg en Autriche et publiés dans Current Biology la semaine dernière. Ils mettent en évidence une remarquable supercherie mise en place par l’espèce sud-africaine Ceropegia sandersonii (surnommée « plante parachute » en référence à la forme évocatrice de ses fleurs) pour attirer son pollinisateur, la mouche Desmometopa.
Mais quel rapport avec l’abeille que tout cela?
Quatre à six pour cent des plantes attirent leurs pollinisateurs par des mécanismes déceptifs (par exemple, l’imitation de la forme et des couleurs des femelles attire les pollinisateurs mâles à la recherche de partenaires sexuels). Lorsqu’elle est plus chimique que morphologique, la tromperie exploite certaines préférences olfactives des animaux (à la recherche de nourriture en particulier).
Et c’est ici que je vais vous parler de l’abeille…
L’article dont il est ici question décrit en effet un exemple bien particulier d’imitation chimique de ressource alimentaire. La mouche Desmometopa est le principal pollinisateur de C. sandersonii. Elle est par ailleurs connue pour se nourrir des abeilles (plus précisément des sucs que ces malheureuses libèrent lorsqu’elles sont capturées par des araignées). On qualifie ce comportement particulier de cleptoparasitisme (les mouches « volent » la proie des araignées et parviennent à se nourrir en faisant l’économie de la capture).
Dans cette course à la tricherie, la mouche n’est cependant pas la première, puisque les chercheurs ont montré que la fleur C. sandersonii produit des composés chimiques (odorants) identiques à ceux que l’abeille produit lorsqu’elle est attaquée. L’expérience montre que ces composés activent bien une réponse physiologique au niveau des antennes réceptrices de la mouche Desmometopa. Le mélange de trois composants isolés chez la plante parachute est inhabituel dans le monde végétal (le géraniol, le 2-heptanone, le 2-nonanol, et le (E)-2-octen-1-yl acétate) mais hautement attractif pour les mouches.
Ainsi la plante C. sandersonii attire spécifiquement la mouche cleptoparasite en libérant des substances volatiles associées à sa principale ressource alimentaire (les abeilles attaquées ou fraîchement tuées). Desmometopa est trompée et attirée à l’intérieur de la fleur, où emprisonnée, elle se charge de pollen. La fleur finit par la laisser s’échapper. La mouche est libre jusqu’à ce qu’elle visite une autre fleur de C. sandersonii, pour cette fois y déposer le pollen dont elles s’est couverte.
Remarquable exemple de co-dépendances et d’adaptations croisées. Souvenez-vous de la course de la Reine Rouge…
Pas moins dans ce cas de quatre personnages! Nous en arrivons à ne plus savoir qui mène vraiment la danse, ou la course…
Ceropegia sandersonii Mimics Attacked Honeybees to Attract Kleptoparasitic Flies for Pollination. Annemarie Heiduk et al. Current biology, 5 octobre 2016.
http://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822%2816%2930879-X
https://www.sciencenews.org/article/flower-lures-pollinators-smell-honeybee-fear
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